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Avec Claire Redfield (Resident Evil) et Séraphine Natla (la fille de miss Natla).
Lara se demanda si elle avait bien fait de se lancer dans cette aventure.
Assise sur un tronc d'arbre, vêtue de sa légendaire tenue de chasseuse de tombes, elle loucha le gros scarabée volant qui venait de se poser sur sa cuisse gauche.
Il n'eut pas le temps de planter ses mandibules acérées dans sa peau. D'une chiquenaude, elle l'envoya valdinguer à trois mètres sur un monticule. Aussitôt une meute de fourmis rouges se précipita sur lui pour le casse-daller avec férocité.
— Alors, elle est pas belle, la vie ? chanta Claire en déboulant d'un fourré, resplendissante dans sa tenue d'exploratrice, minijupe body et bottes couleur sahara. La jungle, le plein air, de quoi te rebooster un moral d'enfer, non ?
— Si tu le dis.
— Mais arrête de faire la gueule ! Séraphine est aux anges. D'ailleurs, elle est où ?
— Elle suivait un papillon coloré, comme elle a dit.
— Bon sang, j'ai pas envie de perdre du temps à la chercher. Décidément, elle n'en rate pas une.
Soudain un cri perçant.
Claire allait se précipiter, quand Séraphine surgit en courant, poursuivie par un essaim de papillons plutôt insistants autour de sa tête.
— Enlevez-les ! Ils veulent me bouffer ! Ils ont des grosses trompes gluantes !
— Ça commence bien, souffla Lara.
Claire tapa dans ses mains.
— Allez, ma vieille, ne lambine pas ! Les grands frissons de l'exploration t'attendent à bras ouverts ! Le temple est juste à côté !
— Et pour Séraphine, demanda Lara en se levant à contre-cœur, faudrait peut-être l'aider ?
— T'inquiète, elle a cartonné des monstres, elle connaît la musique. Et puis c'est bon, elle court dans la bonne direction.
Claire se campa triomphante devant l'entrée du temple.
— Alors, c'est pas beau tout ça ? Et c'est que le début.
— Ouais, souffla Lara, mais bon, un temple égyptien en pleine jungle.
— Ben justement, c'est cela, le mystère et l'aventure.
Séraphine cavalait en rond, toujours embêtée par les papillons.
— Enlevez-moi ces saloperies ! C'est pas drôle !
Lara dégaina ses deux magnums et tira une dizaine de fois.
Il ne resta qu'un seul papillon virevoltant devant le nez de Séraphine paralysée par les détonations et le sifflement des balles autour de sa tête.
Lara tira une dernière fois.
Le papillon explosa en miettes.
— Wouah ! s'exclama Claire. Je vois que t'assures toujours un max.
— Normal, j'ai fait danser quelques mecs, des amoureux comme des ennemis.
Elle rengaina sec les magnums dans ses holsters après les avoir fait tourner une quinzaine de fois autour de ses index.
— Génial, cria Séraphine en applaudissant, t'es la meilleure.
— T'aurais aussi pu tirer avec tes flingues, fit remarquer Claire.
— J'ai pas eu le temps, j'avais plein de bestioles autour de moi.
— Bon, on rentre dans ce temple ? s'impatienta Lara. Tout ça m'a ouvert l'appétit.
Les filles s'enfoncèrent dans le couloir.
Les murs tapissés de fresques diffusaient une lumière phosphorescente verte.
— L'éclairage va vachement bien avec ma tenue, s'extasia Séraphine. Je suis trop canon classe avec ma brassière et mon shorty. Oh ! Vous avez vu le clebs sur le mur ? Trop bien, la dégaine !
— C'est Anubis le dieu chacal, expliqua Lara. Il accompagne les âmes durant la nuit de la psychostasie, le jugement dernier. Le cœur de la personne est placé sur le plateau de la balance, comme tu peux voir. Sur l'autre plateau, la plume de Maât. Le cœur doit être plus léger que la plume pour que l'âme puisse entrer au paradis. Ici il est rempli de péchés. L'âme sera dévorée par Amenuit, le monstre mangeur d'âmes qui se trouve sous la balance.
— Ah dur ! s'exclama Séraphine. Ben heureusement qu'ils pèsent pas les corps, parce que je trouve que j'ai grossi. D'ailleurs va falloir que je maigrisse.
Claire étouffa une rigolade.
Le couloir déboucha sur une petite salle vide au sol parsemé de dalles. Une porte en pierre fermée trônait dans un mur.
— Je vois pas du tout comment on va entrer là, dit Séraphine en examinant la porte. Et y a pas de levier ni de bouton.
Lara fila dans le couloir et revint peu après. Elle fixa le sol en avançant, s'arrêta sur une dalle, et sauta plusieurs fois dessus. La dalle s'enfonça. Le bloc fermant la porte se leva dans un bruit de pierre.
— Punaise, comment t'as deviné ? demanda Séraphine, subjuguée.
— Enfantin. Au-dessus de la scène de la psychostasie, tu as dû voir une série d'hiéroglyphes alignés dans une suite de colonnes. Ça représente le sol de cette salle avec les rangées de dalles. Il y avait un seul dessin de balance dans la huitième colonne, donc la huitième rangée, qui indiquait forcement l'emplacement de la dalle, et donc du mécanisme qui ouvre la porte par contrepoids, symbolisé par la balance.
— Y a pas à dire, admira Claire, t'as rien perdu de tes réflexes, aussi bien physique qu'intellectuels. On voit que t'as exploré quelques temples.
— Classique, envoya Lara, pas de quoi s'exciter, j'espère que la suite sera plus corsée.
— Normalement oui, répondit Claire, tu ne devrais pas être déçue.
Les filles franchirent la porte d'un pas alerte.
Une nouvelle salle s'offrit à leurs yeux.
Plus grande que la précédente. Envahie par la végétation. Avec un bassin entouré de palmiers. Des sculptures de sphinx s'alignaient à côté de statues de dieux égyptiens.
— Wouah ! s'extasia Séraphine. Vous avez vu ? C'est trop la classe la piscine !
— Le palais de Cléopâtre, précisa Lara, enfin le début.
Elle jeta un coup d'œil dans l'eau transparente du bassin.
— Tu cherches un passage ? demanda Claire.
— Oui, mais apparemment il n'y en a pas. Il est purement décoratif.
Elles montèrent l'escalier, prirent un couloir et arrivèrent dans une grande bibliothèque. Des centaines de papyrus enroulés s'entassaient sur des étagères. Certaines comportaient des hiéroglyphes.
— C'est pour indiquer les catégories, expliqua Lara, par exemple là, cet hiéroglyphe précise que tous ces papyrus concernent l'agriculture.
Séraphine parcourut les étagères d'un côté de la bibliothèque et demanda :
— Et cet hiéroguilyphe, les deux ronds sur un triangle, c'est quoi ?
— Le Kama Sutra égyptien, répondit Lara.
— Ah oui ?
Elle s'empara d'un papyrus, le déroula et s'écria :
— Ben ça alors, vous avez vu les dessins, ils devaient pas s'ennuyer ! Quelle bande de cochons !
Claire rigola.
— Le sexe fait partie de toutes les civilisations, envoya Lara, sinon elles n'existeraient pas. C'est le moteur du monde, et comme tous les moteurs, il lui arrive de dérailler.
Elle désigna un nouvel escalier.
Séraphine balança le papyrus sur la pile avec les autres et suivit ses deux copines, pas trop décidée à rester seule.
Une grande chambre les accueillit, avec un lit en bois sculpté, des meubles divers, des tentures brodées aux fenêtres donnant sur un magnifique jardin.
— La chambre de Cléopâtre, annonça Lara.
— Wouah le luxe, s'émerveilla Séraphine en allant voir près du lit. Vous avez vu, les tables de nuit sont incrustées de pierres précieuses.
— A ta place, conseilla Lara, j'éviterais de me placer sur le côté droit du lit.
— Ah et pourquoi ?
— Cléopâtre dormait à gauche, ses amants à droite, et quand ils se levaient le matin, une trappe s'ouvrait sous leurs pieds, et ils finissaient dans un bassin, bouffés par les crocodiles.
— Ah me*** ! s'exclama Séraphine. Ben la Cléopâtre, quelle ogresse quand même ! Pire que les monstres de Racoon City, hein Claire ?
— Oui ma puce, c'est sûr, Cléo ne donnait pas dans le romantisme. Même Lara laisse une chance à ses amoureux, pas vrai, ma grande ?
— Des fois oui, des fois non, ça dépend si la déclaration d'amour est bien formulée.
— Et c'est quoi, bien formulée ? demanda Séraphine en matant le sol au pied du lit.
— Minimum une bague avec un diamant 25 carats. En dessous, je considère qu'il y a insulte et que l'amour n'est pas sincère.
Claire éclata de rire, surtout à cause de Séraphine qui venait de reculer brusquement.
Une trappe s'était ouverte devant ses pieds.
Le jardin embaumait mille parfums, diffusés par les citronniers, les orangers, les grenadiers et des fleurs aux couleurs éblouissantes.
— C'est bien beau tout ça, crachota Lara, mais ça manque d'action.
— Attends, répliqua Claire, un peu de poésie ça ne peut pas faire de mal, non ?
— Oui, mais moi je préfère la poésie de mes deux magnums.
Séraphine approuva :
— Oui, Lara a raison, OK pour le décor, mais rien ne vaut une bonne montée d'adrénaline, avec les guns qui crachent à donf les bastos. Faut que ça canarde, sinon c'est pas marrant.
Claire haussa les épaules.
— Ce que vous pouvez être matérialistes. Ben OK, on attaque l'action. C'est au bout du jardin.
— Youpi ! s'écria Séraphine. J'espère qu'il y aura des monstres tout gluants.
Effectivement, une fois le jardin quitté, dans une immense salle, les filles tombèrent sur une cinquantaine de sarcophages alignés à la verticale contre les murs.
Les couvercles s'ouvrirent presque en même temps, et des momies hideuses jaillirent en poussant des râles gutturaux.
Lara fut la première à dégainer ses magnums, suivie par Séraphine et Claire.
Une pluie de balles crépita en rafales, éclatant les têtes et les corps entourés de bandelettes. Les douilles ricochaient sur les dalles. Aucune momie n'eut le temps d'approcher les filles à moins de deux mètres. Il ne resta qu'une masse de bandelettes éparpillée dans tous les sens.
— Trop la classe, s'exclama Séraphine, vite, la suite ! J'ai des fourmillements dans les index !
Claire leur indiqua une nouvelle salle au sol recouvert de terre battue.
Cette fois-ci l'action se corsait.
Une dizaine de taureaux noirs monstrueux aux longues cornes déboulèrent dans un vacarme de cavalcade effrénée, les narines expulsant de puissants souffles fétides.
En trois secondes Lara en avait déjà mis cinq hors de combat, une balle logée entre les deux yeux.
Séraphine et Claire, moins rapides, se chargèrent de trois autres.
Lara roula en boule pour éviter le neuvième et l'abattit d'une rafale dans le fessier.
Quant au dixième, il se barra dans le jardin et disparut entre les arbres fruitiers.
— Ben me***, hallucina Séraphine, vous avez vu ça ? C'est un bug ou quoi ?
Elle regarda Claire, qui répliqua :
— Bon, ça peut arriver, allez, dans la salle suivante !
Le combat contre les araignées grosses comme des ballons de foot excita tout le monde, d'autant plus qu'il en surgissait sans cesse d'ouvertures dans les murs.
Pas facile de les éliminer, car elles bondissaient en l'air, et les filles devaient les éviter, ce qui occasionna quelques bousculades entre Claire et Séraphine.
Lara, elle, évoluait avec aisance et rapidité, chaque balle atteignant son but.
Bientôt le sol fut recouvert d'une centaine d'araignées plus ou moins éclatées, baignant dans une grande mare de sang verdâtre.
Séraphine essuya son front couvert de sueur.
— Ben dis donc, ça cartonne sec.
— Hop ! chanta Claire, il reste encore plusieurs salles. C'est ce que vous vouliez, non, de l'action à gogo ? Ben vous allez être servies !
Séraphine jubilait.
Les monstres étaient vraiment tout gluants, issus d'expériences génétiques, écorchés, ruisselant de liquides organiques.
Ils avaient tous plusieurs têtes difformes vaguement humaines. Des langues fourchues frétillaient hors des cavités buccales garnies de crocs aiguisés. Des dizaines de mains crochues, aux longs doigts terminés par des griffes acérées, se projetaient en avant pour saisir les filles.
Lara vida plusieurs chargeurs, visant les têtes avec succès, en taillant une parfois au ras du cou par une rafale.
Claire préférait tirer dans les poitrines, déchargeant ses guns à profusion, les index et les majeurs soudés sur les gâchettes enfoncées au maximum.
Quant à Séraphine, son trip consistait à faucher les jambes, puis une fois le monstre rampant vers elle, au dernier moment quand il allait la saisir, elle l'achevait d'une balle dans le ciboulot, enfin dans plusieurs ciboulots.
Les rugissements des monstres se répercutaient sur les murs de l'immense salle, créant une cacophonie assourdissante mêlée au bruit des détonations incessantes.
Enfin le dernier monstre s'écroula en plein bond sous une rafale de Claire et tomba sur le sol couvert de corps visqueux mutilés par les balles, de membres éparpillés, de flaques de sang, de liquides divers indéfinissables, et d'un million de douilles vides.
— Purée, souffla Séraphine, on en a pris plein la gueule. Je suis toute salopée. C'est fou ce que ça peut être gluant, un monstre, quand ça éclate en éclaboussant.
Lara et Claire n'étaient pas en reste, les visages maquillés par des jets d'hémoglobines, les vêtements taggués de taches, les semelles des rangeos pataugeant dans les flaques.
— On attaque une autre salle ? proposa Séraphine.
— C'est bon, on arrête, cracha Lara, ça devient répétitif.
— T'es jamais contente ! rouspéta Claire. Pour une fois qu'on s'amuse.
Lara rengaina ses magnums dans ses holsters, ferma les yeux et se laissa tomber en arrière.
Un tourbillon enveloppa son corps virtuel.
Et elle se retrouva dans la réalité.
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