Avec Claire Redfield (Resident Evil) et Séraphine Natla (la fille de miss Natla).
Cintré dans son costume queue-de-pie, un plumeau vissé dans la main, Winston époussetait avec flegme l'horloge posée sur le rebord de la cheminée du salon. En même temps, sa langue essayait de décoller un caramel mou collé sur son dentier.
— Coucou ! lança la voix joyeuse de Lara.
Winston se retourna. Ses yeux s'écarquillèrent. Un tremblement agita son corps.
— Alors, je vous plais comme ça ?
Ses cheveux, sa natte, son débardeur, son short, ses holsters, ses deux pistolets, ses rangeos : tout étincelait d'un rose vif fluo.
— Oh my God ! s'exclama Winston, le plumeau figé en l'air.
— Extra, non ? chanta Lara en faisant une pirouette. Ça arrache grave.
— Mais vous ne comptez tout de même pas partir en expédition comme ça ?
— Soyez pas vieux jeu Winston. Un peu de fantaisie, que diable ! Je suis sûre que je vais flasher un max dans la jungle et les temples. Les macaques et les crocodiles vont m'adorer.
Winston avala sa salive. Le caramel résistait toujours. Il articula :
— Mais que vont dire tous vos fans ? Vous incarnez un archétype grâce à votre look légendaire…
— Ce que vous pouvez être démodé, Winston. On est au 21e siècle. Terminé les couleurs fonctionnelles. C'était bon pour nos grands-mères. Maintenant place au fashion.
Lara leva les bras en l'air et poussa un cri hystérique.
Winston s'agrippa au rebord de la cheminée pour ne pas tomber. Un vertige tournoyait dans sa tête.
— Meuh non ! envoya soudain Lara. Je blaguais. C'est ma tenue pour la soirée costumée de Lord Wellington. Vous imaginez si j'avais dû affronter la secte de Bartoli comme ça ? Remarquez, ses sbires l'auraient éliminé vite fait et m'auraient élue big boss à sa place.
Winston poussa un soupir de soulagement.
— Bon, il faut que j'aille prendre Claire et Séraphine, je rentrerai certainement tard, ne m'attendez pas.
Et Lara sortit du salon en chantonnant "We are the championnes" (le dernier mot en français dans le texte).
Winston secoua la tête, sidéré par la légèreté de miss Croft, ravi parce que son caramel mou venait enfin de se décoller.
Il l'avala par mégarde et toussa une bonne minute.
Pamela Anderson, vêtue d'un bikini réduit, repoussa d'un geste langoureux sa longue chevelure blonde derrière son oreille droite.
Puis elle passa ses bras autour du cou de Winston, torse nu, en bermuda fleuri, et lui murmura dans un souffle sensuel :
— Oh Winnie, tu es bien plus beau, intelligent et fort que ce ringard de James avec son ridicule 007. Embrasse-moi. On va enfin connaître tous les plaisirs de l'amour.
Une brise chaude circulait sur le lagon bleu bordé de palmiers.
Quand une mini Jaguar décapotable déboula plein gaz sur la plage de sable blanc.
Winston émergea de son sommeil.
Il ouvrit l'œil droit. Ecouta. Ouvrit l'œil gauche. Ecouta encore.
Dehors, dans la cour du manoir, des vrombissements de moteur et des crissements de pneus chahutaient le silence.
Il alluma sa lampe de chevet. Le réveil affichait 2h30. Il se leva, enfila rapidement ses pantoufles, et glissa vers la fenêtre.
C'était Lara, au volant de sa mini Jaguar décapotable, avec Claire et Séraphine, qui tournait en rond dans la cour éclairée par les réverbères.
A un moment, elle freina brutal. Elle venait de percuter la statue d'Apollon devant l'entrée. Le dieu de pierre éclata en plusieurs morceaux sur le gravier.
— Là ma vieille, s'esclaffa Claire, déguisée en Vampirella, tu viens de briser un beau gosse.
— J'en ai brisé d'autres, répliqua la chasseuse de tombes, je vois que j'ai pas perdu la main.
— Bon, allez, envoya Séraphine, en Batgirl, brandissant à l'envers une bouteille de whisky vide, y a plus de carburant. Objectif le bar !
Elle bondit hors de la Jaguar. Son pied resta accroché dans sa cape et le haut de la portière. Elle s'étala sur le gravier. La bouteille valdingua dans l'air et retomba dans un grand bac à fleurs avec un bruit mou.
— Tu t'es vue quand t'as bu ? rigola Claire. Vraiment insortable, la miss.
— Bouark, bava Séraphine en nageant sur le gravier.
Lara et Claire l'aidèrent à se relever.
— Pourquoi maman a fait exploser la grande pyramide ? larmoya Séraphine. C'est po juste. Je l'aimais bien, moi, la grande pyramide, avec tous ses monstres gluants. Bouuuuu !
— Ca va, Fifi, consola Claire, y en aura d'autres, des vilains monstres tout gluants.
Lara enfonça le bouton de la sonnette et cria :
— Winston, venez ouvrir, j'ai pas les clés.
Claire ajouta sa voix à la sienne, bientôt suivie par Séraphine qui brailla :
— A boire ! On a soif !
La porte finit par s'ouvrir.
Et Winston apparut dans sa longue chemise de nuit blanche, son bonnet à pompon sur la tête.
— Casper, le fantôme du manoir, envoya Claire.
Rigolade générale.
— Winston, bafouilla Lara en reprenant son souffle, des larmes dans les yeux, vous devriez opter pour le pyjama.
— Mais enfin, s'indigna presque le majordome, c'est la tenue réglementaire nocturne des serviteurs de sa majesté the queen.
Les filles étaient pliées en deux. Séraphine roula une nouvelle fois sur le gravier.
Winston secoua sa tête. Son pompon s'agita nerveux.
Il était pas loin de midi quand Lara arriva pieds nus au ralenti dans le salon, flottant dans un tee-shirt super XXL, le loup de Tex Avery imprimé dessus, et se laissa tomber sur le canapé en cuir.
— Quelle nuit, murmura-t-elle, j'entends Big Ben dans ma tête.
Claire ne tarda pas à débouler de la cuisine en mini kimono japonais, éblouissante de fraîcheur, et lança d'une voix chantante :
— Je savais bien que j'avais entendu un glissement sur le parquet. Mon instinct de chasseuse de zombies. Alors ma grande, tu reprends conscience ?
— Bon sang, bailla Lara, je sais pas comment tu fais pour péter la forme, après tout ce que t'as picolé. Tu viens d'une autre planète ou quoi ?
— Ben dis donc, pour une nana qui a fait le temple de Xian et bouffé de l'araignée géante, tu devrais sauter au plafond.
— Ouais, et je l'ai sacrément cogné. Quel délire ! Et Séraphine, elle fait quoi ?
— Qui m'appelle ?
Claire hallucina en voyant une main apparaître derrière le canapé et s'agripper.
Et Séraphine émergea, le visage blafard.
— Fifi, s'exclama Claire, non, sans dec, t'as dormi là ?
— C'est où, là ? demanda-t-elle, la voix pâteuse.
— Ben ma vieille, t'es encore plus dans le gaz que Lara.
Pendant que Claire l'aidait à rejoindre un fauteuil, Winston entra dans le salon et demanda d'une voix stylée :
— Ces demoiselles aimeraient prendre quoi pour le lunch ?
— Pitié, Winston, gargouilla Lara, ne me parlez pas de lunch, je crois que je vais vomir.
— Excusez-moi, lady Croft.
Soudain Lara éclata en sanglots. Elle étreignit un coussin. Le serra contre sa poitrine.
— Roudoudou, mon petit Roudoudou, pourquoi tu m'as quitté ?
Etonnée, Claire regarda Winston, qui s'approcha et lui murmura à l'oreille :
— Roudoudou était un ouistiti, il a fini par mégarde dans la machine à laver.
— Quoi, un ouistiti dans la machine à laver ? demanda Séraphine qui avait entendu.
Lara redoubla sa crise de douleur en tordant le coussin avec force.
— Chut ! lui fit Claire à voix basse. Elle a perdu son ouistiti.
— Ben moi c'est maman qui me manque, envoya Séraphine, une larme roulant sur sa joue. Il faudrait peut-être la faire évader de l'asile. Elle recréerait l'Atlantide et y aurait de nouveau plein de monstres tout gluants à tuer. Qu'est-ce qu'on rigolait bien. Je veux des monstres, je veux des monstres.
Elle martela les bras du fauteuil avec ses poings serrés et trépigna des pieds.
— Bon, soupira Claire, moi je vais aller me balader dans le jardin. A plus les filles.
Il devait être 15h45 quand Lara surgit dans le bureau en short et en brassière, et s'écroula dans un fauteuil, la mine dépitée.
— Plus de cinq minutes pour le parcours d'entraînement, j'ai jamais autant lambiné sur les obstacles. J'ai même loupé la poignée de la tyrolienne et je me suis ramassée en bas.
Assise devant l'écran 19 pouces du pc, Claire pianotait speed sur les touches du clavier sans fil. Elle blablata :
— Y'a des jours avec et des jours sans. Ca reviendra, t'inquiète. Une petite cure de Canox te ferait du bien. C'est des gélules de cellules nerveuses mutagènes prélevées sur des Dobermans de Raccoon City, et fermentées dans un bouillon de culture de neurones d'iguanes épileptiques. Les anabolisants à côté, c'est du yaourt. J'en ai filé un flacon à Séraphine. Elle n'arrête plus de faire la piscine de long en large.
— Ah ouais ? Peut-être à l'occase. Là j'ai plutôt envie de me relaxer dans un nuage de coton. Et tu écris quoi de beau ?
— Une Fanfic sur toi pour Tro-Online. Attends, je te lis un bout : "Lara se faufila derrière le garde et lui trancha la gorge. Un jet de sang éclaboussa le mur. Il s'écroula sur le sol, le corps agité de convulsions."
Lara se leva d'un bond et fila mater l'écran.
— Mais t'es complètement folle ! C'est vachement gore, ton truc !
— Purée, mais faut de l'action, que le sang gicle. Terminé les petits Tomb Raider pour gamines de pensionnat. Faut la jouer Black Mamba dans Kill Bill. Du pur et dur.
Winston entra dans le bureau et balança d'une voix blasée :
— Je vous signale que mademoiselle Séraphine est cramponnée au plongeoir de la piscine et crie que des requins veulent la dévorer.
— Mais il n'y a pas de requins dans la piscine, s'étonna Lara.
— Justement, répondit Winston, c'est ce qui est inquiétant.
— me***, gargouilla Claire en lâchant le clavier, je lui avais pourtant dit seulement une gélule. Elle a dû forcer sur la dose. J'espère qu'elle a pas avalé tout le flacon. Comme je la connais.
Elle se précipita hors du bureau.
Winston secoua sa caboche et retourna astiquer sa cuisine.
Lara continua à lire :
— "Elle dégaina ses uzis et arrosa le groupe dans une longue rafale soutenue, ses index crispés sur les gâchettes enfoncées avec rage. Les balles éclatèrent les têtes et les poitrines. Un flot de sang se répandit sur les murs et le sol, tagguant son débardeur et son short d'un rouge sombre poisseux." Je crois que son séjour à Raccoon City lui a complètement bouffé le cerveau.
Pamela Anderson serra son corps sculptural contre celui de Winston.
Elle caressa avec tendresse le visage du majordome. Puis ses mains descendirent le long de ses bras, glissèrent dans son dos, remontèrent vers sa nuque.
— Oh Winnie, tu es merveilleux. Tes muscles d'acier me font frémir. Prends-moi sauvagement !
Un ciel d'été enveloppait le lagon bleu.
Soudain une meute de ninjas cavala sur la plage de sable blanc en poussant des cris déchaînés.
Winston se réveilla.
Un ramdam du diable lui parvenait du manoir.
Il alluma sa lampe de chevet. Le réveil indiquait 1 h17. Il se leva. Ouvrit l'armoire. S'empara d'un tromblon. Et sortit dans le couloir éclairé par des veilleuses.
Les bruits venaient du hall.
Il déboucha en haut de l'escalier, prêt à faire feu.
En bas, dans le hall illuminé, Lara, Claire et Séraphine luttaient contre une trentaine de ninjas. La moitié était déjà étalée sur les dalles.
Lara décocha un coup de pied retourné dans les mâchoires d'un ninja, qui valdingua en l'air et retomba six mètres plus loin. Un autre bondit dans son dos, mais elle l'évita et lui asséna au passage un atémi dans la nuque.
Claire s'en donnait à cœur joie. Une paire de nunchakus dans la main, elle frappait sec dans tous les sens, en criant comme une chatte en colère.
Séraphine n'était pas en reste, distribuant des grandes volées de châtaignes et des coups de tatanes dans les entrecuisses.
La trentaine de ninjas se retrouva bientôt hors de combat.
— Mais enfin, brailla Lara en tenant par le colbach un dernier ninja à moitié assommé, vous jouez à quoi ?
— Toi avoir téléphoné à notre big boss la grande lumière Sakura Yamamoto, répondit-il avec un accent asiatique, et toi l'avoir traité de grosse limace puante et de dégénéré du bulbe rachidien.
— Moi ? s'exclama Lara. Jamais de la vie.
— Euh, fit Claire, c'est moi.
— Quoi ? s'étonna Lara.
— Ben oui, comme vous aviez l'air d'avoir le blues, je me suis dit qu'une petite bagarre vous redonnerait le moral.
— Mais c'est pas vrai, cracha Lara en lâchant le ninja. Dites-moi que je rêve !
Claire afficha un petit sourire légèrement tendu.
— Bon, enchaîna Lara en fixant le ninja, tu diras à ton big boss la grande lumière Sakura Yamamoto que je lui présente mes excuses les plus humbles pour ce petit incident indépendant de ma volonté.
— Oui, miss Croft, articula le ninja en exécutant plusieurs révérences, les mains jointes, le putride vermisseau indigne de vivre que je suis lui transmettra tes excuses éblouissantes.
Et toute la clique se barra, les moins amochés embarquant les autres.
— C'était cool, crachota Séraphine, mais ça ne vaut pas des monstres tout gluants.
Lara aperçut le majordome en haut de l'escalier.
— Winston, préparez-nous un petit casse-croûte, tout ça m'a donné une faim de loup.
— Et n'oubliez pas le whisky, rajouta Séraphine, moi, les exercices physiques me donnent toujours une de ces soifs.
Winston secoua sa tête, haussa les épaules et descendit à la cuisine.
Après une grasse matinée et un lunch rapide, les filles foncèrent en Aston Martin à Londres pour une après-midi shopping. Objectif : les boutiques de modes de Picadilly Circus.
Chez Chloé, Séraphine s'extasia sur un petit body sexy :
— Trop classe, mais peut-être un peu léger pour chasser du monstre.
— Mais non, répliqua Claire, t'as pas vu Buffy en minijupe la nuit dans les cimetières ? Terminé les treillis masculins. La femme doit assumer sa féminité aux yeux du monde, pour se démarquer de la politique phallocrate des mecs.
— Ouais, t'as raison. A bas les machos ! Vive le girl power !
Chez Botticelli, Claire craqua pour une paire de rangeos vernis souples à talons hauts :
— Trop bien, à la fois mode, stylé, les semelles juste ce qu'il faut pour écrabouiller la tronche des mutants. T'en prends aussi une paire, Lara ? Pour tes expéditions dans la jungle, tu vas cartonner.
— Tu rigoles ? J'en ai soupé du crapahutage dans la boue. Désormais j'opte pour les tongs. Direction les Caraïbes, le transat et les cocotiers.
— Arrête ! s'exclama Séraphine surprise. Tu déconnes là, non ? Et ton image de marque ? Tes fans en délire?
— Ils délireront sur autre chose.
— Peut-être qu'une virée à Raccoon City te boosterait les lolos, proposa Claire. On réactive le virus, et c'est reparti pour un tour.
— Non merci, souffla Lara, les ninjas m'ont suffi. Je boosterai mes lolos en vacances.
— Ouais, c'est pas tout, et pour ce soir, lança Séraphine, si on se faisait une petite disco ? J'ai envie de danser la lambada avec un beau gosse tatoué.
— OK, approuva Lara, mais je dois prévenir Winston.
Elle s'empara de son portable Nokia.
— Très bien, miss Croft, répondit le majordome, vous rentrerez certainement tard.
Il raccrocha le combiné et secoua la tête.
A 20h, Winston verrouilla la porte d'entrée du manoir et monta dans le taxi qui l'attendait dans la cour.
— A l'hôtel de la Tamise, dit-il.
— Un rendez-vous ? demanda le chauffeur, un sourire aux lèvres, en le matant dans le rétroviseur intérieur.
— Oui, répondit Winston, un rendez-vous que je ne voudrais rater pour rien au monde.
Il serra la boite de boules Quies dans la poche de son manteau, un sourire d'intense satisfaction scotché sur les lèvres.
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